Cours de danse Danser la Vie - Toulouse

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● Le Jugement

 

Le Jugement
par Len SCRIVENER (Traduction et commentaires Roger DOLLEANS)

Extraits du livre "Le Jugement" de Len SCRIVENER
Danse Sportive Magazine n° 5 (01-05-1984)

 

 

 

Dans le numéro du BALLROOM DANCING TIMES de février 1975, Walter LAIRD a écrit un article lumineux à propos du jugement. Je suis complètement d'accord avec le thème principal, à savoir que les juges ont le devoir de soutenir le haut niveau de notre Danse par une évaluation intelligente des qualités artistiques et techniques, avec les qualités d'interprétation (mise en scène). Je crois qu'il est nécessaire que les principaux concepts des styles de Ballroom (tant Moderne que Latin), soient maintenus si les Britanniques doivent continuer à guider le monde dans cette forme de danse.

Le plaidoyer de LAIRD aux juges pour rechercher la qualité de la danse, et ne pas être influencé par l'attirance de la foule et les artifices de la danse, est bien fait.

Il choisit la question controversée de la disparité des marques des juges comme plateforme d'introduction et, tout en admettant peu de logique des raisonnements si souvent associés à cette question, il suggère qu'une plus grande uniformité de notation pourrait résulter de l'utilisation d'un "modus operandi" destiné à guider (et contrôler) Les juges quant à la manière dont ils obtiendront leurs verdicts. En substance, je dois admettre que ses observations générales sont logiques et pleines de vérité. Néanmoins, d'une manière générale, elles resteront en partie théoriques car elles sont basées sur la supposition que les juges penseront de même. Quelquefois ils le feront, mais il est vraisemblable qu'ils ne le feront pas souvent.

Les juges n'ont pas affaire à une science exacte !

En premier lieu, nous devons considérer que les juges n'ont pas affaire à une science exacte. Ce fait les met en mesure d'avoir différentes opinions sur ce qui constitue le mérite ou le démérite. Leurs conceptions de ce qui est correct ou incorrect, bon ou mauvais, désirable ou détestable, etc. peuvent différer considérablement. En outre, ils apprécient des qualités non absolues. La valeur du style, du mouvement, du rythme, de l'image, sont appréhendées à travers l'oeil et l'esprit du spectateur. Même les techniques sont discutables, du fait que la danse de compétition a été autorisée à devenir presque un "faites ce que vous voulez", avec le résultat que nombre de styles de danse sans aucun rapport s'y sont glissés. Ceux-ci demandent une telle variété de techniques qu'un juge compétent en Ballroom ne pourrait probablement pas les connaître. De toute façon, les danseurs de Ballroom ont tendance à déformer les figures de mouvements qui ne sont pas complètement régis par la technique de Ballroom. L'appréciation musicale a toujours des chances d'être controversée. Pendant des danses comme Jive ou Quick Step j'ai, à certaines occasions, été surpris d'entendre un juge parler d'un couple comme "exécutants rythmiques", alors que j'avais seulement vu un couple très motivé et adroit.

Il apparaît de ce qui précède qu'en dépit d'un modèle destiné à conduire les juges à utiliser une cer¬taine base scientifique pour leurs verdicts, ils peuvent attribuer leurs marques de manières très différentes (et le feront probablement). Ajoutez à cette situation la nécessité d'établir un jugement comparatif entre plusieurs couples dansant en même temps, alors l'immensité de la tâche de décider de ce qu'est un jugement correct devient évidente. Si nous sommes sincères à ce sujet, nous réalisons que les juges ne font une analyse réelle qu'en apparence.

En réalité, ils ont très peu de temps pour des calculs et des esti¬mations complexes, et ainsi; ils sont obligés de prendre des décisions basées sur des impressions.

En conséquence, il est naturel de s'attendre à ce que différents juges viennent à donner différentes impressions de la même exécution.

Maintenant, considérons les aspects logiques (et illogiques) qui tournent autour de la question de la disparité des marques. Il sera évident aux gens lucides que les juges peuvent aussi bien être en accord qu'en désaccord de façon à justifier l'utilisation de jurys multiples. Autrement, il n'y aurait besoin que d'un juge à chaque fois. L'objectif de base de la sélection de plusieurs juges est de rechercher une variété d'opinions. Ce procédé devient de la plus grande importance lorsqu'il n'y a aucune évidence, ni aucun moyen de mesure qui offre une preuve intelligente.

Une opinion personnelle !

II est également important de réaliser que pendant les compétitions de danse, le problème doit exister seulement dans l'esprit des juges. En conséquence, un juge ne doit pas se soucier d'être en accord ou en désaccord avec les autres membres du jury. Le devoir d'un juge est de donner une opinion personnelle basée sur une exécution au moment de son jugement. Donc, logiquement, parmi tout jury, il n'y a ni juges corrects, ni juges incorrects. Leurs marques individuelles, et le résultat de la compilation, ne sont ni plus corrects, ni plus incorrects que ce que chacun peut penser. Mon opinion est que la majorité des juges essaie vraiment de donner leur opinion personnelle quand ils jugent, MAIS les implications odieuses contenues dans l'accusation "juge en dehors de la ligne" ont agi comme une Épée de Damoclès, en dissuadant fréquem¬ment un juge de marquer exactement comme il (elle) aimerait. Elles ont donné naissance au juge stéréotypé (le juge qui essaie de donner le "bon résultat") et ceci a une influence destructive sur notre système de jugement. Sûrement, l'idée malencontreuse, et complètement erronée, qu'un jugement valable implique automatiquement d'être en accord avec la majorité du jury, est l'un des éléments les plus empoisonnés dans la sphère de la danse de compétition. Nous allons devoir cesser de faire le procès des juges.

Parlant des juges, LAIRD leur attribue collectivement une profonde connaissance de la danse, et fait un exposé que je tiens pour être significativement conforme à la finalité du jugement. Il dit : "Le problème est de s'assurer que cette connaissance est utilisée pour obtenir un jugement équilibré de toutes les facettes d'une exécution en concours qui sont bonnes pour l'avenir de la Danse et de la Profession de danse". La question de la façon dont les juges utilisent leur connaissance est très complexe, mais je m'intéresse ici à une considération qui influence le sujet, à savoir la discipline des danseurs.

L'éducation des juges et un "Code de Procédure" ne peuvent pas être de mauvaises idées, car toutes formes d'expression personnelle doivent être mises sous certains contrôles intelligents pour donner toute leur signification. Toutefois, des règles pour les juges restent sans utilité, à moins qu'ils ne puissent s'attendre à voir clairement définis les styles de danse, de même que suffisamment de qualités techniques fondamentales, à partir desquelles ils peuvent employer leur connaissance pour former intelligemment les jugements.

Malheureusement, les styles de danse d'aujourd'hui sont d'un caractère polyglotte, et, je peux le dire, par moments les juges ne savent pas ce qu'ils sont en train de regarder. Pour illustrer ce point, je peux poser la question, quel est le style correct en Samba ? Je peux aussi demander, quel est le style correct en Quick Step ? II serait difficile de donner une réponse sincère et certainement impossible d'en donner une avec laquelle personne ne serait en désaccord ! Une réponse technique ne serait pas suffisamment bonne, parce que les danseurs ont été autorisés à délaisser beaucoup de principes de base qui sont essentiels pour produire un style de danse en accord avec les techniques admises.

Liberté de développements créatifs !

Si nous nous disposons à appliquer certains contrôles aux juges, il est impératif que des contrôles intelligents soient appliqués aussi aux danseurs. Je suis conscient que la danse est essentiellement un art, et doit avoir liberté de développements créatifs, mais lorsque des idées personnelles se manifestent dans les exécutions, les juges ne peuvent pas juger l'authenticité, et il est temps de faire quelque chose à ce sujet.

La question du jugement est la plus matière à controverse, et elle est rendue très complexe par les nombreux aspects subsidiaires qui s'y rattachent. II est difficile d'analyser l'un des aspects sans se trouver engagé dans les autres.

Pour cette raison, il apparaît qu'une politique à long terme sera nécessaire pour apporter à ce sujet des changements matériels. II est probable que la structure complète de notre danse de compétition en sera modifiée. Les méthodes d'organisation, les facteurs mathématiques dans le calcul des résultats, le contrôle des juges (peut-être leur classement par grades), le contrôle des danseurs, le contrôle sur la distribution des prix et la rémunération des juges, et d'une manière générale la création d'une meilleure image de la danse de compétition, semblent des rêves désirables pour l'avenir. Quoi qu'il arrive, je crois que les juges doivent recevoir un Statut Directif et une Nouvelle Règle du Jeu. Sinon, les compétitions deviendraient impossibles.

 

 

 

COMMENTAIRES ROGER DOLLÉANS

Les couples compétiteurs, leurs parents, amis, supporters, etc. et plus généralement les spectateurs des Tournois de Danse, sont souvent surpris des résultats obtenus, et surtout lorsque les juges sont amenés à lever leurs notes en public et que l'on peut constater des divergences de jugement, parfois très sensibles.


La réaction spontanée de chacun est alors de considérer que le juge qui s'éloigne de l'opinion la plus représentée dans ces "notes levées" est forcément dans l'erreur, pour ne pas dire plus. Les juges, eux, savent qu'il n'en est rien et c'est ce que constatent avec surprise les anciens compétiteurs lorsque, passés professionnels, ils commencent à leur tour à juger, en s'efforçant de le faire en leur âme et conscience.


Pour éclairer le sujet, et informer les passionnés de Danse, je me suis efforcé de traduire une étude qu'avait écrite, il y a longtemps déjà, un incontestable grand Champion Anglais, Len SCRIVENER, qui fut toujours réputé tant pour la qualité de ses performances et de son enseignement que par son refus du conformisme et du "suivisme". Il fut, en son temps, professeur de quelques couples français qui ont depuis essayé, chacun à sa manière, de transmettre son héritage : les BARSI, les GERMAINS, les DOLLÉANS entre autres.


En relisant ces lignes du regretté Len SCRIVENER, je réalise qu'en presque 10 ans, très peu de ces objectifs ont été atteints, et qu'aucun essai n'a été suivi, qui eût permis de guider les juges et contrôler les danseurs.


Certains milieux de Danse Français ont introduit une graduation des juges, ce qui est sans doute un exemple à suivre.
Les figures limitées des couples minimes et débutants ne sont, à l'évidence, pas suffisantes, et un "programme court" de figures imposées, ajouté dans toutes les classes et catégories, permettrait sûrement aux danseurs de conserver l'idée du caractère de chaque danse et de sa technique.


Enfin, l'édition d'un "manuel du juge" avec l'énumération des différents critères du jugement, leur ordre de priorité selon les catégories et leur définition précise, pourrait aussi constituer un rappel mémoire non négligeable pour tous.

Toutefois, je crois avec Len SCRIVENER, que la diversité des opinions est la marque d'une jugement qui prend en compte toutes les facettes de la prestation des couples et, qu'à cet égard, l'utilisation de Jurys les plus nombreux possibles est la meilleure garantie d'un bon classement final.

 

 

 

 

 


 Philippe Valade - Copyright (c) 2003 - Tous droits réservés.

 

 



01/12/2021

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